
La société d’études Analysis, affiliée à Kantar, a présenté ce jeudi 8 mai 2025 dans ses locaux à Analysis House à Ébène les résultats d’une enquête stratégique inédite portant sur les attentes des employés mauriciens.
À travers cette étude menée auprès de 780 actifs issus de tous horizons, Analysis propose une lecture approfondie du rapport des Mauriciens au travail, aux pratiques managériales, et aux valeurs qui guident leurs aspirations professionnelles.
Alors que les entreprises multiplient les attentes en matière de performance, d’implication et d’adaptabilité et que celles des actifs sont en mutation, le rapport publié par Analysis propose de prendre du recul pour mieux comprendre ce que recherchent réellement les employés mauriciens. Il rappelle que derrière chaque poste, chaque fiche de fonction ou politique de Ressources Humaines (RH), il y a des personnes, avec leurs vécus et leurs espérances. Les résultats mettent en lumière des attentes fortes au niveau de la balance entre la vie professionnelle et personnelle, la méritocratie, et la transparence.
Le rapport souligne notamment l’importance cruciale de la relation entre le manager et ses collaborateurs, tout en identifiant un certain désalignement entre les modèles de gestion en place et les besoins réels exprimés par les employés. Il révèle aussi une certaine défiance vis-à-vis du monde du travail, particulièrement parmi les jeunes, qui souhaitent des environnements plus souples, stimulants et plus en phase avec leurs valeurs.
Parmi les résultats clés du rapport d’Analysis, 52 % de la population en âge de travailler est active mais seulement 31 % des managers sont des femmes. Le marché de l’emploi est aujourd’hui en pleine transition : l’offre et la demande peinent à se rencontrer, une anxiété est palpable, et l’état mental est plus fragile chez les femmes et les jeunes.
Pour les employés, le rapport au travail est d’abord fonctionnel : pour 79 % des répondants, le travail est avant tout un moyen de gagner sa vie. Le travail est cependant la clé d’une qualité de vie meilleure. Il sera choisi en fonction de cette dernière mais également de la sécurité financière à long terme qu’il apporte. La rémunération influe directement sur la satisfaction par rapport à l’emploi. La communication, la reconnaissance et la flexibilité sont les points sur lesquels des améliorations sont attendues de la part des Mauriciens. Le manque de valorisation semble décourager les employés et les pousser vers la porte. 59 % des répondants souhaitent que leur entreprise améliore sa communication interne. La flexibilité et le Work From Home (WFH), sont des pistes d’amélioration de la satisfaction au travail, à condition qu’elles respectent la double journée des femmes et n’alourdissent pas le planning des plus âgés. Il est à noter que 64 % des répondants ne sont jamais en WFH.
Les employés attendent des managers qu’ils se forment à encadrer les salariés avec une approche participative et une écoute active, tout en laissant une part d’autonomie et de confiance. Selon le rapport, 51 % des répondants préfèrent un manager qui donne de l’autonomie et de la confiance. L’insatisfaction des salariés les encourage plus souvent à quitter le pays. Une connexion et un partage commun des valeurs, poursuivis d’actions concrètes, qu’elles soient durables ou sociales, sont une piste de rétention et d’engagement. 70 % des employés qui ne sont pas satisfaits de leur travail envisagent de partir vivre à l’étranger.
Nathalie Job, co-Chief Executive Officer d’Analysis, a partagé durant la presentation dur rapport que le but était d’identifier les priorités améliorées pour le management.
« L’étude met en évidence des pistes d’amélioration très claires. Si les entreprises pensent bien faire et s’efforcent de répondre aux attentes, les résultats montrent qu’elles peuvent aller plus loin. La satisfaction au travail reste globalement positive, mais se situe à un niveau moyen. Les répondants expriment une perception mitigée concernant plusieurs dimensions clés : la rémunération, la qualité du management, l’accès à la formation, les politiques de flexi-time et plus largement l’ensemble de ce qu’on regroupe sous le terme Employee Value Proposition (EVP). Il apparaît qu’au-delà d’un positionnement ou d’un discours, ces éléments doivent s’incarner dans des engagements concrets et visibles. L’étude souligne également l’importance de deux attentes transversales : la transparence et la méritocratie, aussi bien à l’intérieur de l’entreprise que dans la société en général. Ces principes sont jugés essentiels par l’ensemble des actifs interrogés, et encore plus fortement par les jeunes générations. Pour que ces promesses aient un impact réel, il faut que chacun puisse y croire. »
À travers cette conférence, Analysis confirme sa position de référence dans la lecture des transformations sociales et économiques à Maurice. L’événement s’inscrivait également dans le cadre des 30 ans de présence de la société sur le territoire mauricien, une étape symbolique qui témoigne de l’ancrage local d’Analysis et de sa volonté de contribuer activement aux grands débats de société. Le rapport complet est désormais disponible sur demande auprès d’Analysis.
La présentation du rapport a été suivie d’une table ronde réunissant trois experts aux profils riches et complémentaires, venus croiser leurs regards sur les résultats de l’étude et leurs implications dans le monde du travail
La parole aux intervenants
Natalie Job
Natalie Job, co-Chief Executive Officer d’Analysis :
« Analysis, c’est 30 ans d’histoire, et une affiliation à Kantar depuis plus de 20 ans. Nous sommes des spécialistes qui partent de l’étude de la compréhension humaine pour accompagner les entreprises dans leur stratégie, qu’elle soit interne ou externe au niveau de la marque, du client, mais aussi, et de plus en plus, au niveau du collaborateur et de son engagement. C’est un axe de travail essentiel pour nous, car on ne peut pas réussir une entreprise ou une marque sans avoir aussi réussi sa culture interne, sa collaboration et ses équipes. C’est devenu fondamental.
Pourquoi cette étude sur les attentes des employés mauriciens était-elle importante ? Parce que les entreprises sont confrontées à un changement rapide du marché du travail, des ambitions et des aspirations. Un changement fortement lié à l’évolution démographique. À Maurice, la population est en décroissance et vieillissante. Beaucoup d’éléments sont avancés pour expliquer ce qui influence, ou non, la satisfaction au travail. On évoque de nombreuses causes et facteurs. Ce qu’Analysis a voulu faire, c’est aller chercher des réponses fondées sur des données scientifiques, grâce à une approche rigoureuse, statistique et méthodologique. Par exemple : existe-t-il un lien entre la satisfaction au travail et la qualité du management ? Oui, et nous le confirmons. Y a-t-il un lien entre l’état mental, les inquiétudes ressenties et le niveau de satisfaction ? Là encore, oui : les personnes satisfaites de leur travail se déclarent également plus sereines, globalement. Et qu’en est-il de la formation ? Les résultats montrent clairement que les collaborateurs à qui l’on propose des formations sont plus satisfaits. L’idée était de remettre à plat ce qui se dit, ce qui ne se dit pas, et permettre à chacun de comprendre si les problématiques vécues dans son entreprise sont partagées ailleurs. De clarifier les choses pour savoir par où commencer, comment progresser, et dans quelle direction avancer. C’est dans cet esprit que nous avons mené cette étude : pour fournir des bases solides de réflexion et d’action aux entreprises.
Et si nous avons choisi de partager ces résultats, c’est parce que cela fait partie de notre ADN. Nous avons toujours fait du Market Intelligence et produit des études dans une logique de partage avec nos clients et partenaires. Il était important pour nous que les responsables RH, les directeurs de communication et les dirigeants des plus grands groupes mauriciens et même de La Réunion soient présents, pour écouter, échanger, et enrichir cette réflexion. Il était tout aussi essentiel de confronter les résultats à des regards extérieurs, à travers la présence de panélistes venus apporter leur propre expertise. Ce partage s’inscrit pleinement dans la vocation d’Analysis.»
Virginie Villeneuve
Virginie Villeneuve, Project Strategist chez Analysis :
« La méthodologie adoptée est à la fois qualitative et quantitative. Quinze entretiens semi-directifs ont été menés auprès de travailleurs issus de différents horizon, secteur privé, public, travailleurs indépendants, pour aller en profondeur sur leurs attentes vis-à-vis du travail. Ces entretiens d’environ deux heures ont permis de mieux comprendre leur vécu et leurs aspirations. En complément, une enquête quantitative a été conduite auprès de 780 employés mauriciens, un échantillon largement représentatif.
L’objectif était clair : mieux comprendre les mutations du rapport au travail, souvent évoquées sous l’angle des valeurs, de la quête de sens, de l’équilibre de vie. Nous voulions appuyer ces notions sur des données tangibles et offrir des réponses concrètes adaptées au contexte mauricien. L’étude permet ainsi de déconstruire certains mythes. Par exemple, huit employés sur dix déclarent se lever chaque matin principalement pour gagner leur vie. Le facteur financier reste donc le moteur principal du travail. Mais il ne s’agit pas uniquement d’argent : ce levier permet d’accéder à un certain mode de vie, à un épanouissement personnel, qui sont aussi des composantes essentielles de la satisfaction.
Un autre enseignement fort concerne la recherche d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle : pour 70 % des répondants, il s’agit du premier critère lorsqu’ils envisagent un emploi. C’est un point majeur. Enfin, l’étude révèle des différences marquées selon les profils : la satisfaction au travail est globalement plus élevée chez les hommes plus âgés, alors qu’elle s’avère nettement plus fragile chez les femmes et les jeunes, qui semblent rencontrer davantage de difficultés à trouver leur place dans le monde professionnel.»
Anouchka Sooriamoorty
Anouchka Sooriamoorty, philosophe et fondatrice d’In The Chaos World :
« Il y a de nombreux paradoxes dans le monde de l’entreprise, et ces contradictions, parfois même absurdités sont souvent sources de souffrance. Je pense que le premier objectif des entreprises aujourd’hui est d’affronter, avec courage et sincérité, ces paradoxes que je qualifie volontairement de “schizophrénie”, un terme que j’emploie par provocation. Si l’on parvient déjà à les reconnaître et à les corriger, ce sera un grand pas en avant. Un exemple concret : la question des valeurs.
Toutes les entreprises communiquent des valeurs sur leur site Internet ou lors des entretiens de recrutement. Mais l’une des principales sources de frustration chez les collaborateurs réside dans l’écart entre ces valeurs affichées et leur non-application au quotidien. Lorsqu’on revendique une valeur, on a une obligation éthique de la mettre en pratique. On ne peut pas prôner la bienveillance tout en imposant une autorité verticale, sans véritable dialogue. Ces contradictions relèvent de la nature humaine, mais les entreprises doivent désormais en prendre conscience. L’un des apports majeurs de cette rencontre, appuyée sur le travail réalisé par Analysis, c’est que les chiffres permettent de dépasser les perceptions subjectives. Ils offrent une base factuelle, la plus objective possible, sur laquelle construire une analyse solide.
Quand on entend des remarques du type : Les femmes en font trop, ou encore Les jeunes ne font que se plaindre, les données permettent de dépasser ces jugements pour revenir à des constats soutenus par les chiffres. Je pense que Maurice se trouve aujourd’hui à un moment décisif de son histoire économique. Si nous ne parvenons pas à nous réinventer, à sortir d’un modèle encore marqué par le paternalisme et la verticalité, tout en préservant ce qui constitue notre richesse historique, nous risquons de perdre notre pertinence économique. Le défi est bien réel : entre l’après-Covid, une mondialisation accélérée, et des tensions géopolitiques croissantes, nous devons sortir de l’immobilisme. Garder ce que nous avons de positif, oui, mais avec l’urgence de nous réinventer.»
Pascal Tsin
Pascal Tsin, CEO de Super U :
« La problématique du recrutement est aujourd’hui un enjeu national, qui touche l’ensemble des secteurs de l’économie. J’en parlais déjà en 2020, lors de l’ouverture du Super U de Tamarin : la difficulté à recruter était déjà bien présente il y a cinq ans. Un exemple récent illustre bien ce phénomène : il y a quelques semaines, nous avons reçu 81 candidatures spontanées dans notre magasin, des personnes qui se sont présentées directement. Sur ces 81, seules 20 ont répondu à notre appel. Parmi elles, 16 se sont déplacées pour un entretien, et, in fine, seules 4 ont effectivement pris leur poste. Cela représente à peine 5 %. Je ne pense pas que ce phénomène soit propre à Super U ; il est, selon moi, généralisé à tous les secteurs de l’économie. Chez Super U, nous avons toujours veillé à proposer un salaire supérieur aux exigences des réglementations en vigueur. Pourtant, aujourd’hui, les jeunes semblent avoir une autre vision de la vie : ils privilégient davantage la qualité de vie, parfois au détriment du travail. Mais il me semble important de rappeler qu’une qualité de vie durable passe aussi, nécessairement, par le travail.»
Marie Helene Walter
Marie Helene Walter – Psychothérapeute dans l’approche centrée sur la personne (ACP), formatrice, coach et superviseure :
« La manière, dont les résultats ont été présentés, a le mérite d’être particulièrement claire et de proposer aux employeurs des pistes concrètes pour mieux non pas davantage, mais mieux travailler avec leurs collaborateurs. C’est ce que je retiens avant tout de cette présentation : la qualité des enseignements sur la façon de repenser le lien au travail. Le sens du travail est une question essentielle aujourd’hui. Il existe une génération, la mienne, pour qui le travail ne définit plus l’intégralité de la vie. À l’inverse, pour celle de nos parents, le travail représentait souvent l’unique pilier de l’existence. Ce glissement marque une véritable transformation sociétale. Le rapport au travail de la génération Z a pris une autre direction. Il faut les écouter, les accompagner, car ils y projettent d’autres valeurs. Durant l’événement, plusieurs interventions du public ont mis en évidence un constat partagé : les valeurs des entreprises ne sont souvent plus alignées avec celles des jeunes générations. Dans mon cabinet, je reçois des personnes en fin de carrière majoritairement des hommes qui, une fois à la retraite, se retrouvent démunis, sans repères, parfois même en dépression. Ils ont perdu le sens, car leur vie entière était organisée autour du travail. Ce que révèle ce rapport, c’est justement qu’un autre modèle est en train d’émerger, une autre manière de considérer la place du travail dans la vie. Il devient impératif de reconnaître la coexistence entre vie professionnelle et vie personnelle, et la volonté croissante d’un équilibre entre les deux. La question n’est peut-être pas uniquement celle de la flexibilité : il faut aller plus loin pour identifier les vraies réponses.»
Vanesha Pareemamun
Vanesha Pareemamun, Chief Human Resource Officer et membre du conseil d’administration de Currimjee Jeewanjee and Company Limited :
« Il s’agit d’adopter une double approche : une démarche proactive pour les départs planifiés, qui s’inscrivent dans une stratégie de recrutement anticipée ou un plan de succession, tout en évitant le piège du recrutement d’urgence. C’est aussi savoir accueillir les imprévus comme des opportunités stratégiques pour repenser certains postes et la structure organisationnelle. Il ne s’agit pas d’une réaction, mais d’une posture d’ouverture à l’évolution des rôles et de la vision même d’un département.
La culture d’entreprise, quant à elle, n’est jamais figée. Elle doit évoluer avec le temps, influencée par les dynamiques sociales, économiques et humaines. Et si les valeurs restent le socle, leur interprétation doit s’adapter aux réalités contemporaines, surtout dans un monde en mutation, où composer avec plusieurs générations en entreprise, notamment les Millennials et la génération Z, constitue un défi majeur pour les managers comme le révèle cette étude. Ils doivent jongler entre performance et intelligence relationnelle ; soit écouter activement, encourager la collaboration et exercer un leadership transformationnel. Mais leur rôle et leur responsabilité consistent également à définir un cadre et une direction où les équipes peuvent s’épanouir et évoluer en confiance. C’est dans cette capacité d’adaptation, à la fois humaine et stratégique, que réside finalement la force des entreprises durables. »
Photos
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Analysis, a Kantar-affiliated research firm, presented a strategic study on Mauritian employee expectations on May 8, 2025.
The study, surveying 780 workers, provides insights into Mauritians’ relationship with work, management practices, and professional values.
It highlights the need to understand Mauritian employees’ desires amidst rising performance expectations. Key findings include the importance of work-life balance, meritocracy, and transparency.
The report emphasizes manager-employee relationships and a misalignment between management models and employee needs. It also reveals a distrust of the workplace, especially among younger workers seeking flexible, stimulating environments aligned with their values.
Key results show that while 52% of the working-age population is active, only 31% of managers are women. The job market faces a supply-demand mismatch and heightened anxiety, particularly among women and youth.
For 79% of employees, work is primarily a means to earn a living and improve quality of life, influencing job choices and long-term financial security. Compensation directly affects job satisfaction, with communication, recognition, and flexibility needing improvement. Lack of appreciation drives employees away; 59% want better internal communication. Flexible work arrangements are desired but must consider women’s schedules and older workers’ needs; 64% never work remotely.
Employees want managers trained in participatory and trusting leadership. 51% prefer managers who offer autonomy. Dissatisfaction often leads to emigration; shared values and concrete actions can improve retention. 70% of dissatisfied employees consider moving abroad.
Nathalie Job, co-CEO of Analysis, emphasized identifying management improvement priorities.
The study reveals clear improvement areas. While companies strive to meet expectations, they can do more. Job satisfaction is moderately positive, with mixed perceptions on compensation, management, training, and flexible work policies. These elements need concrete actions. Transparency and meritocracy are essential, especially to younger generations.
Analysis’s presentation confirmed its role in interpreting Mauritian social and economic changes. The event, part of the company’s 30th anniversary, demonstrated its commitment to local issues. The full report is available upon request.
A panel discussion followed, featuring experts who shared their perspectives on the study’s implications.